Vive les licornes !

Cédric O
3 min readApr 19, 2023

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Vive les licornes !

Il y a quelques jours, j’ai publié dans la revue Pouvoirs un long texte intitulé « Pour des GAFAM européens » dans lequel je reviens longuement sur le rationnel dece qu’on peut appeler la « politique des licornes » menées en matière de technologie ces dernières années.

Cette politique a parfois suscité (et suscite encore) un certain nombre de critiques. Il est compréhensible que ces milliards qui volent paraissent parfois quelque peu déplacés quand les inégalités croissent et le climat se réchauffe. Cette tension ne va pas se réduire, et elle participe de la crise démocratique que vivent les pays occidentaux. Mais quel que soit l’angle par lequel je regarde le problème, je reste toutefois persuadé que c’est la seule option possible pour offrir un avenir indépendant à l’Europe.

Le risque que court notre continent, s’il n’est pas à la hauteur de la compétition technologique actuelle, c’est de sortir de l’histoire des puissances, avec tout ce que cela implique. Et pour cause : sur les 10 plus grandes entreprises cotées du monde, 8 sont dans la Tech, 6 n’existaient pas il y a 25 ans, aucune n’est européenne ; la liste des entreprises du monde qui investissent le plus en R&D fait peur à voir (cf graphique) ; OS, moteurs de recherche, ecommerce, cartographie, visio, cloud, processeurs, … une bonne partie de ce qui soutient notre vie quotidienne est le produit de la Tech américaine ou asiatique. La mécanique est quasi systématiquement la même : domination financière => domination économique => domination technologique => domination stratégique. Oui, Google, Facebook, Amazon ou Microsoft posent des problèmes, mais il serait mieux pour l’Europe, son économie, sa souveraineté et son influence dans le monde que ces entreprises soient européennes.

Olivier Costes — Gilles Babinet — institut Montaigne

Si l’on considère que les grands écosystèmes d’innovation sont fait d’un alliage particulier entre du capital, des talents et un marché, la France et l’Europe ont les deux derniers de ces 3 ingrédients (même si l’approfondissement du marché unique est indispensable). Ce qui leur a longtemps manqué (et qui leur manque encore) pour jouer dans la cour des grands, c’est le capital. C’est ce que nous nous sommes efforcés de changer ces dernières années et c’est pour cela que les licornes sont importantes : elles sont la part émergée de cet afflux de capital sans lequel il n’y aura pas d’innovation en Europe.

La fin des taux bas et les difficultés économiques ne changent pas grand-chose à ces dynamiques. Lever beaucoup d’argent pour dominer son marché est temporairement plus compliqué, mais ce sont les ordres de grandeur qui changent, pas les sous-jacents : les marchés numériques ont tendance à se concentrer, et celui qui lève plus d’argent a plus de chance de gagner que les autres. Et si l’Europe ne veut pas être sur le menu, elle doit être à la table.

#innovation #frenchtech #licornes

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Cédric O

Ancien Secrétaire d’État chargé du numérique / Former French Minister of State for Digital