Discours prononcé le 15 avril 2019 à Bercy (Paris) pour l’ouverture de la Paris Blockchain Week.
Mesdames et Messieurs,
La France est déterminée à être un acteur des révolutions technologiques qui bouleversent notre temps. C’est une conviction du Président de la République, à laquelle je souscris entièrement : si notre pays, mais aussi l’Europe plus globalement, veut préparer les emplois de demain et préserver sa souveraineté de long terme, alors il n’y a pas d’alternative : il faut être un acteur technologique de premier plan.
C’est cette ambition qui a guidé le plan Intelligence artificielle présenté l’année dernière, qui a vu l’Etat s’engager comme rarement et les plus grandes entreprises technologiques mondiales ouvrir des laboratoires de recherche à Paris — c’est la même ambition qui nous a conduit à lancer les travaux sur une stratégie pour l’ordinateur quantique il y a quelques jours — c’est toujours elle qui me conduit aujourd’hui à inaugurer avec vous ce matin la première édition de la Paris Blockchain Conference.
Cette conférence est une première : rassembler tant d’acteurs, publics et privés, autour de ce sujet pourtant très technique est un événement en soi. Elle constitue par ailleurs le premier événement d’une série de temps forts organisés à Paris cette semaine autour de la Blockchain par l’ensemble de l’écosystème français et européen — j’aurai d’ailleurs le plaisir de me rendre à Station F après-demain pour la suite des festivités.
Alors, la blockchain. Cette technologie ne date bien sûr pas d’hier. A dire vrai, il y a même quelques temps que les cryptomonnaies font parler d’elles. Force est de reconnaître qu’elles apparaissaient jusqu’encore récemment comme un phénomène alternatif destiné à un public averti de « geeks » ou dark web. C’est dire le chemin parcouru depuis deux ans, jusqu’à la conférence d’aujourd’hui. Bien sûr, la blockchain n’est pas encore devenu un sujet grand public et j’ai conscience du caractère relativement ésotérique du terme et de la technologie pour nos concitoyens non avertis.
La blockchain reste une technologie au fonctionnement complexe à appréhender. Mais, en deux ans, le sujet a quitté les nimbes d’une technologie émergente pour devenir un sujet d’attention et même de préoccupation, bien aidé par les fluctuations du bitcoin. En deux ans, nous avons connu à la fois une explosion du cours de celui-ci, qui a flirté avec les 20 000 dollars en décembre 2017, et son effondrement, autour de 3000 dollars un an plus tard.
J’ose espérer que nous entrons aujourd’hui dans une phase de plus grande maturité de cet écosystème et surtout de ses applications business, qui entre temps se sont précisées. Surtout, depuis deux ans, le gouvernement et l’administration française sont montés en compétence sur ce sujet, particulièrement sous son acception financière et avec un souci premier : celui de bâtir un cadre clair et sécurisant pour les acteurs sérieux, sans sacrifier la protection de nos investisseurs, la lutte contre le blanchiment d’argent ni la stabilité financière.
Notre objectif est clair et simple : nous voulons garder et attirer en France les futurs champions du secteur et les faire grandir. La France se fixe pour ambition de disposer des talents et de la vision stratégique nécessaires pour devenir un pays leader dans la maîtrise, le déploiement et la diffusion de cette technologie. Elle peut, pour cela, compter un écosystème attractif pour les entrepreneurs et les les start-ups de la blockchain.
Le terme d’écosystème est le maître-mot. Patiemment mais avec détermination et constance, presque brique à brique, de manière transpartisane, la France a su construire un écosystème d’innovation particulièrement performant. En 2013, le ministère de l’économie et des finances crée la French Tech pour soutenir le développement des startups françaises. Aujourd’hui, la mission French Tech rassemble plus de 20 000 start-ups.
Depuis, l’Etat a investi massivement dans les entreprises innovantes que ce soit pour l’amorçage, avec la Bourse French Tech, les fonds French Tech Seeds, le concours iLab ou pour le financement de projets plus aboutis comme le Concours d’innovation. La France a également mis en place un réseau de fédération et d’accompagnement des startups sur tout le territoire via les hubs, les capitales et les community. Les projets identifiés comme les plus prometteurs sont labellisés « Pass French Tech » et bénéficient d’un accompagnement privilégié.
Ce n’est pas tout. Les start-ups dédiées aux cryptomonnaies peuvent, en France, s’appuyer sur une alchimie rare qui allie les atouts de l’environnement d’innovation précité à celui d’une place financière de premier plan et d’un vivier de savoir-faire très complet, d’ingénieurs spécialistes de la cryptographie, des mathématiques à l’informatique, autant de ressources rares et évidemment précieuses lorsqu’il s’agit de blockchain.
Parce que l’objectif est de créer un écosystème, la France a par ailleurs très tôt fait le choix de créer un cadre juridique et fiscal clair et sécurisant pour l’ensemble des acteurs de la chaîne. La France, délibérément et stratégiquement, n’a pas fait le choix de la déréglementation ni de la défiscalisation à outrance. Ce qu’elle souhaite, c’est bâtir un écosystème pérenne, comme l’on bâtit une place financière de premier plan et attirer les projets de long terme, au service du financement de l’économie. Ce que cherchent ces entreprises et ces investisseurs, c’est un cadre clair, équilibré, qui leur permette de se développer dans le cadre d’un dialogue avec un régulateur de premier plan. C’est nécessaire en termes d’image et c’est nécessaire pour convaincre des partenaires financiers.
La France a pour elle la réputation et le savoir-faire d’une place financière de premier plan. Nous y avons ajouté le pari d’une réglementation innovante. La France a d’abord été pionnière en matière de législation sur le sujet de la blockchain. Dès 2016, l’utilisation de la blockchain a été autorisée en matière de financement participatif. En 2017, la blockchain a ensuite été légalement autorisée en matière de titres non cotés et de parts de fonds, offrant en France une sécurité juridique quasi unique au monde pour émettre des titres financiers.
La loi PACTE, qui vient d’être votée, a apporté des progrès majeurs pour sécuriser les levées de fonds et les acteurs du marché des crypto-actifs, notamment par l’introduction de visas optionnels de l’Autorité des Marchés financiers. Ce cadre légal unique au monde, il n’a été rendu possible que parce que Bruno Le Maire et un petit groupe de députés passionnés par ce sujet, dont plusieurs sont présents aujourd’hui parmi nous, ont bataillé pour bâtir ce cadre en un temps record et pour faire preuve d’un véritable esprit d’innovation dans la réglementation. Aujourd’hui, ce cadre inédit suscite beaucoup de curiosité à l’étranger et témoigne de ce dont la France est capable : l’équilibre mais l’agilité, le sérieux mais la proportionnalité. Ce cadre, nos invités seront fiers de le présenter aujourd’hui aux participants venus du monde entier.
Ces éléments sont précurseurs et systémiques. Mais nous ne devons pas nous arrêter là. Je souhaite que la France puisse porter dans les mois et les années à venir une vraie vision stratégique en matière de blockchain. Pour cela, nous avons élaboré au cours des derniers mois une stratégie ambitieuse en matière de blockchain pour notre économie, dont Bruno Le Maire vous présentera tout à l’heure les principaux axes.
Notre objectif, à travers ce travail, c’est d’agir bien au-delà du secteur financier et de continuer à jouer un rôle de catalyseur auprès des acteurs, pour permettre aux projets les plus prometteurs de se développer : par un soutien financier, par un confort juridique, ou parfois juste en permettant des échanges d’expérience autour des cas d’usage les plus prometteurs. Parce que l’un des défis de la blockchain, c’est de faire travailler ensemble des acteurs qui ne se font pas naturellement confiance pour qu’ils choisissent d’introduire cette confiance dans leurs transactions, dans leurs processus au moyen de cette technologie. Nous croyons que cette démarche peut bénéficier in fine au consommateur, en lui apportant plus de transparence, de fiabilité sur les produits qu’il consomme. Elle peut aussi permettre à des investisseurs d’investir autrement, en prenant part à la création de nouveaux écosystèmes et de nouveaux modes de partage de la valeur.
Nous devons aussi permettre à la blockchain d’infuser dans la sphère publique. S’agissant de certification et de traçabilité, les cas d’usages ne manquent pas. Certaines autorités publiques ont déjà déployé des projets blockchain. Par exemple : l’agence nationale des fréquences pour allouer les fréquences radio courtes portées pour les grands événements, la banque de France pour l’allocation unique des numéros de virement SEPA, la délégation interministérielle au développement de l’axe portuaire et logistique Méditerranée-Rhône-Saône pour le suivi logistique le long de cet axe.
A chaque fois l’enjeu est le même : rationaliser l’action publique lorsqu’elle n’est pas strictement nécessaire et permettre à une multiplicité d’acteurs de mieux coopérer. Pour continuer à innover en ce sens, nous mettrons en place un réseau d’experts entre administrations, favorisant le partage d’expérience et la montée en compétence.
Enfin, notre souhait c’est de pouvoir gagner en vision stratégique sur cette technologie. Bien sûr, l’Union européenne peut jouer un rôle clé en la matière et la France soutiendra les efforts pour innover sur ce sujet au niveau européen. Mais nous devons également développer en France une capacité de réflexion prospective et stratégique sur le sujet de la blockchain. Quels standards, quels enjeux de sécurité, comment gérer la problématique énergétique ? Notre stratégie visera à répondre à ces questions.
L’objectif, en somme, aujourd’hui, c’est de vous dire que nous sommes prêts. Prêts à vous accueillir et prêts à vous accompagner, prêts à vous protéger, aussi, contre les dérives potentielles de ces technologies. Prêts en tout cas à mener cette bataille et peut-être cette future révolution, au service de notre économie, au service de nos citoyens et au service de nos valeurs.
Je vous remercie.